Le dossier du mois

La fameuse loi travail ...

Adoptée le 8 août 2016 en quelques mois de débats parlementaires et après plusieurs recours à l’article 49-3 de la Constitution, la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », touche la plupart des grands domaines du droit du travail. Elle étend notamment le champ de la négociation en matière de durée du travail, fait évoluer les règles relatives aux emplois saisonniers, à la représentation du personnel, au licenciement économique et au travail détaché. Elle apporte également des réformes dans les domaines de la formation et de l’apprentissage en tenant compte du numérique désormais omniprésent dans nos modes de travail. Ce dossier fait le point...
1 – Réforme du code du travail


Négociation en matière de durée du travail
La loi prévoit de laisser plus de souplesse aux entreprises, via la conclusion d’accords d’entreprise dérogatoires à la loi ou aux accords de branche. Une partie du code du travail est donc totalement réécrite pour distinguer désormais des règles d’ordre public auxquelles nul ne peut déroger, les thèmes ouverts à la négociation et les règles supplétives, à savoir celles applicables à défaut d’accord. Ainsi, alors que le passage de 44 à 46 heures de travail par semaine (sur 12 semaines) n’était jusqu’à présent possible que par accord de branche, un accord d’entreprise sera désormais suffisant, sous réserve d’être majoritaire. Les périodes hautes devront alors être compensées par des périodes basses et la durée maximale quotidienne de travail devra être respectée. Les règles relatives au temps de déplacement professionnel pour se rendre du domicile au lieu de travail restent inchangées sur le plan des principes : ce temps de déplacement ne constitue pas du temps de travail, sauf s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Il doit dans ce cas faire l’objet d’une contrepartie jusqu’à présent déterminée par accord collectif. La loi prévoit désormais qu’en cas d’accord d’entreprise, celui-ci prime sur les dispositions prévues par les accords de branche. En matière d’heures supplémentaires, la loi ne modifie pas leur définition : ce sont les heures de travail accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire (35h/semaine) ou de la durée considérée comme équivalente. La loi ne modifie pas non plus les taux de majoration de référence : à défaut d’accord de branche, les taux de majoration restent donc fixés à 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires (sauf exceptions prévues par les textes) et à 50 % au-delà. En revanche, en cas d’accord d’entreprise fixant des taux différents de ceux prévus par des accords de branche, ces premiers primeront désormais sur les seconds. La loi ne réduit pas les durées minimales des congés auxquels ont droit les salariés en cas de décès d’un proche, aujourd’hui compris entre 1 et 2 jours. Au contraire, elle allonge cette durée en fixant une durée minimale de 2 jours quel que soit le lien de parenté entre la personne décédée et le salarié, cette durée pouvant en outre être allongée par accord collectif.
Emplois saisonniers
La loi Travail améliore la situation des travailleurs saisonniers à travers plusieurs mesures comme l’intégration au Code du Travail d’une définition claire de ces emplois : « emplois à caractère saisonnier dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ». Les branches ou entreprises qui emploient un grand nombre de salariés saisonniers auront l’obligation de négocier la reconduction des contrats d’une saison sur l’autre et de prendre en compte l’ancienneté ainsi acquise des salariés. Cette négociation devra intervenir dans les 6 mois après promulgation de la loi. A défaut d’accord de branche ou d’entreprise, une ordonnance sera prise par le Gouvernement dans un délai de 9 mois à compter de la promulgation de la loi. Les saisonniers auront accès au dispositif de la période de professionnalisation lorsqu’ils bénéficient de la reconduction de leur contrat et comme pour les autres salariés, le chômage des jours fériés ne pourra entraîner aucune baisse de salaire pour les salariés totalisant au moins 3 mois d’ancienneté dans l’entreprise, du fait de contrats successifs ou non.
La représentation du personnel
Comme évoqué en introduction, le poids des accords d’entreprise est renforcé. Pour être appliqués, les accords devront être signés par des organisations syndicales qui rassemblent plus de 50 % des suffrages (contre 30 % aujourd’hui). Seuls certains domaines seront dans un premier temps concernés (durée du travail, congés, repos), la loi prévoyant une extension progressive de cette règle à d’autres chapitres du Code du travail. Le rôle des branches d’entreprises sera renforcé pour réguler la concurrence entre les entreprises et lutter contre le dumping social. Ce renforcement devrait leur permettre de mieux définir un socle social applicable à tous les salariés et de jouer un rôle d’appui aux PME et TPE souvent moins bien accompagnées que les grandes entreprises. La loi renforce enfin les moyens des syndicats : augmentation de 20 % du nombre d’heures des délégués syndicaux, développement de la formation des négociateurs…
Licenciement économique
Face aux difficultés des entreprises, notamment dans les PME, la loi précise la définition du motif économique du licenciement afin de réduire l’insécurité juridique existant en la matière. La loi reprend ainsi les motifs mis en avant par la jurisprudence de la Cour de Cassation : la cessation d’activité de l’entreprise, sa réorganisation en vue de la sauvegarde de sa compétitivité, une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une importante dégradation de la trésorerie…
Travail détaché : lutte contre les fraudes
Le recours aux travailleurs détachés a été multiplié par 10 en 10 ans, concernant désormais presque tous les secteurs d’activité et toutes les zones du territoire. Des fraudes de plus en plus complexes étant constatées, plusieurs textes successifs sont venus alourdir les obligations de contrôle pesant sur les entreprises qui recourent à cette main d’œuvre détachée (loi « Savary », loi « Macron » …). La loi renforce de nouveau ces mesures de lutte contre les fraudes. Elle permet ainsi à la DIRECCTE de suspendre une prestation de service internationale lorsque l’employeur n’a pas fait de déclaration de détachement. Elle encadre davantage le recours aux salariés détachés dans l’intérim et accroit l’obligation de vigilance des maîtres d’ouvrage en étendant cette obligation à toute la chaîne de sous-traitants.
2 – Formation et nouvelles technologies


La formation et l’apprentissage
Sur son site Internet, le Ministère du Travail, de l’emploi de la formation professionnelle et du dialogue social rappelle que « d’ici 2020, 2,3 millions d’emplois peu qualifiés devraient manquer en France. A l’inverse, 2,2 millions de postes qualifiés pourraient rester non pourvus dans des domaines aussi divers que l’éducation, la santé, les services à la personne, ou encore l’ingénierie de pointe ». Après la mise en place du compte personnel de formation (CPF) qui permet de suivre des formations après accord de l’employeur sur leur planification, la loi Travail étend, à compter de 2018, le compte personnel de formation aux travailleurs indépendants et professionnels libéraux. La liste des formations éligible au compte personnel de formation est enrichie aux actions permettant de réaliser un bilan de compétences, à celles dispensées aux créateurs ou repreneurs d’entreprises et à celles permettant aux bénévoles et volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions. Le CPF pourra en outre être mobilisé pour la prise en charge d’une formation suivie à l’étranger. Afin de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, la loi crée une aide à la recherche du premier emploi. Fixée à 200 € par mois, elle est non imposable et exonérée de charges sociales. Elle est accordée sur demande, pour une durée de 4 mois, aux jeunes dans le besoin, de moins de 28 ans, qui ont obtenu depuis moins de 4 mois à la date de la demande, un diplôme à finalité professionnelle et qui sont à la recherche d’un emploi.

La loi Travail comporte en outre plusieurs mesures visant à promouvoir dans les entreprises le congé de validation des acquis de l’expérience (VAE). La loi oblige ainsi l’employeur, lors de l’entretien professionnel du salarié, de l’informer sur la VAE. La loi incite par ailleurs les entreprises de plus de 50 salariés à définir par accord collectif, des modalités de promotion de la VAE au bénéfice des employés. La durée minimale d’activité nécessaire pour demander une VAE est réduite de 3 à 1 an et la loi supprime la condition d’ancienneté pour les salariés embauchés en CDD. Alors que la durée du congé pour la VAE ne pouvait être supérieure à 24 heures de temps de travail, la loi permet désormais aux entreprises de définir, pas accord collectif, une durée du congé supérieure. Cette possibilité est néanmoins réservée aux salariés peu qualifiés ou à ceux dont l’emploi est menacé par les évolutions économiques ou technologiques. En matière d’apprentissage, tout employeur a l’obligation de verser une taxe visant à contribuer au financement de la formation des jeunes en contrat d’apprentissage et accueillis dans des établissements de formation technologique et professionnelle. Cette taxe est versée chaque année à des organismes collecteurs habilités à reverser ensuite une partie des sommes aux établissements de formation. Une convention triennale d’objectifs et de moyens devait être conclue entre l’Etat et chaque organisme collecteur. La Loi Travail supprime ces conventions et étend les établissements habilités à recevoir une partie de ces taxes. La loi permet enfin aux Centres de formation des apprentis de dispenser sa formation à distance. L’apprenti devra désormais suivre une formation alternant :
- Des périodes d’enseignement pratique en entreprise encadrées par un salarié maître d’apprentissage
- Et des périodes d’enseignement théorique en école ou auprès d’un centre de formation d’apprentissage, ces périodes pouvant être réalisées dans les locaux de l’établissement ou à distance.

Le Code du travail limite en principe l’apprentissage aux jeunes de 25 ans maximum. Par exception et à titre expérimental, la loi Travail repousse cette limite d’âge à 30 ans dans les régions volontaires et uniquement sur l’année 2017.
Loi Travail et les nouvelles technologies
La loi Travail introduit pour la première fois dans le Code du travail, un Droit à la déconnexion. Les entreprises de plus de 50 salariés ont désormais un devoir de mettre en place des instruments de régulation de l’outil numérique visant à assurer le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale. Une négociation entre organisations professionnelles (employeurs et syndicats) devra être ouverte avant le 1er octobre 2016 sur le télétravail et le travail à distance. La concertation devra en particulier porter sur la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques permettant de mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle et sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours. Un guide des bonnes pratiques devra être élaboré qui servira de base lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise. Pour tenir compte de ces nouveaux modes de travail, l’employeur aura désormais l’obligation de s’assurer que les logiciels installés sur le poste des travailleurs en situation de handicap sont accessibles sur leur lieu de travail, mais également en télétravail.
Réforme de la médecine du travail
Tout salarié bénéficiait jusqu’à présent d’une visite médicale devant avoir lieu avant l’embauche ou au plus tard avant le terme de la période d’essai, l’objectif de l’examen étant de vérifier l’aptitude ou non du salarié à son poste de travail. La loi Travail remplace cet examen médical par une visite d’information et de prévention après l’embauche. L’aptitude du salarié ne sera donc plus vérifiée, sauf pour les postes à risque pour lesquels le suivi médical sera renforcé. La fréquence du suivi médical des salariés sera individualisée et tiendra compte de plusieurs critères : conditions de travail, état de santé et âge du salarié…