Le dossier du mois
Une législation en adaptation constante : ce qu'il faut retenir début 2016
Fin 2015 et début 2016, le Parlement a voté de nombreuses mesures dans le domaine de la santé et dans celui des institutions. Plusieurs ordonnances ont également été publiées et vont modifier en profondeur notre droit. La réforme de l'asile, la simplification du droit de la famille et la réforme du droit des contrats concernent l'ensemble des citoyens. Compte tenu du contexte d’insécurité et de la situation internationale, l'état d'urgence a été facilement voté et reconduit.
1 – Les réformes de la santé
La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement
La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement a été promulguée et est entrée en application dès le mois de janvier 2016. Cette politique sera financée par un budget de 700 millions d'euros, issu de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa), payée par les seuls retraités imposables. Ces sommes s’ajoutent aux 21 milliards d’euros déjà consacrés par les pouvoirs publics au grand âge (soins médicaux, Allocation Personnalisé d’Autonomie, financement de l’hébergement). La loi d’orientation et de programmation repose sur trois piliers : anticiper pour prévenir la perte d’autonomie (favoriser le maintien à domicile, actions de prévention, plan national de prévention du suicide des personnes âgées, mobilisation nationale de lutte contre l’isolement des personnes âgées), adapter les politiques publiques au vieillissement (adaptation des logements, modernisation des résidences) et améliorer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie (protection des droits et libertés des personnes âgées, réforme de l’allocation personnalisée d’autonomie, soutien des proches aidant). Le texte réaffirme le rôle de pilote des départements dans la prise en charge des personnes âgées mais aussi dans le soutien et l’accompagnement des proches aidant.
La loi sur la fin de vie
Ce texte qui modifie la loi Leonetti a été adopté le 27 janvier 2016 à une large majorité. La loi permet au malade de demander l’arrêt des traitements et une sédation profonde et continue. Les directives anticipées sont révisables et révocables à tout moment et par tout moyen. Leur existence est rappelée à leur auteur. Le témoignage de la personne de confiance prévaut sur tout autre. Cette loi a eu pour but de rassurer, de lever des doutes et d’apporter des précisions. D’après Jean Léonetti, « elle ne donne pas le droit de donner la mort mais renforce l’obligation de soulager la souffrance ».
La loi 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé
Ce texte vise trois objectifs : la prévention, l’accès aux soins et l’innovation. La prévention comporte notamment des mesures pour faciliter le dépistage de conduites addictives, la sanction de l’incitation d’un mineur à la consommation d’alcool et à la création d’un Institut national de prévention. L’accès aux soins prévoit la création d’un numéro d’appel national et la possibilité pour les victimes de se défendre dans le cadre des actions de groupe « class action ». Le service public hospitalier serait refondé et des groupements hospitaliers de territoires devraient être mis en place. Pour améliorer l’accès à l’assurance emprunteur, un droit à l’oubli sera créé pour les personnes ayant ou ayant eu un grave problème de santé.
La généralisation du tiers payant à tous les assurés, à partir du 1er janvier 2017, est inscrite dans la loi. Toutefois, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions qui rendaient obligatoires le tiers-payant pour la part remboursée par les organismes d’assurance-complémentaire. Le tiers payant ne sera donc obligatoire que pour la part remboursée par la sécurité sociale.
Il est prévu la création d’un numéro d’appel national pour joindre un médecin aux heures de fermeture des cabinets médicaux et un portail internet pour localiser les professionnels de santé ou se renseigner. Le service public hospitalier sera refondé.
2 - La réforme des institutions et du statut des personnes
La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme de l’asile
Ce texte transpose de nouvelles directives européennes adoptées en juin 2013 («paquet asile») et réforme en profondeur le droit d’asile, en renforçant les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale et en permettant de statuer plus rapidement sur les demandes d’asile. Les garanties des demandeurs d’asile seront renforcées à tous les stades de la procédure : enregistrement plus rapide de leur demande, présence d’un conseil lors de l’entretien avec un officier de protection, meilleure prise en compte des vulnérabilités. Le texte généralise également l’effet suspensif des recours contre les décisions refusant l’asile.
De nouvelles procédures d’examen rapide des demandes sont prévues :
• une nouvelle procédure accélérée, qui remplace la procédure antérieure prioritaire, sera mise en œuvre par ou sous le contrôle de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).
• une nouvelle procédure contentieuse, avec la création d’une procédure de recours suspensif accélérée devant un juge unique de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en cinq semaines.
Un dispositif d’hébergement contraignant, permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente, sera mis en place.
Simplification et modernisation du droit de la famille
L'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille comporte d'importantes mesures de simplification dans trois domaines du droit de la famille : le divorce, l'administration des biens des enfants mineurs et  le droit de la protection des majeurs. Elle apporte ainsi des précisions et des clarifications nécessaires quant au rôle du juge du divorce s’agissant de la liquidation du régime matrimonial. En ce qui concerne la gestion des biens des mineurs et de la protection des majeurs, elle réserve l'intervention du juge au seul contrôle des situations à risques.
Il est instauré un mécanisme de mandat judiciaire familial dénommé "habilitation familiale". Celui-ci permet aux proches d’une personne hors d’état de manifester sa volonté de la représenter sans avoir à se soumettre à l’ensemble du formalisme des mesures de protection judiciaire que sont la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle. Le bénéfice de l’habilitation familiale au conjoint est élargi.
Le décret 2016-185 du 23 février 2016 d'application de l'ordonnance du 15 octobre 2015 portant simplification et modernisation du droit de la famille précise notamment les modalités d'application de l'habilitation familiale (juge compétent, contenu de la requête, organisation de l'audition des personnes concernées, décision, recours contre la décision du juge, etc. et complète le nouveau dispositif de protection juridique des mineurs et des majeurs incapables. Le texte apporte également des précisions sur les nouvelles conditions d'intervention du juge en matière de liquidation et de partage dans les divorces contentieux et clarifie les règles relatives à la procédure devant le juge des tutelles des mineurs, lorsqu'il est saisi en matière d'administration légale.
Réforme du droit des contrats : l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
L’ordonnance modifie la partie du code civil relative au droit des contrats et revoit notamment le plan du livre III du code civil. La modification du plan vise à distinguer clairement les règles qui relèvent des obligations en général, de celles qui relèvent des contrats en particulier.
Cette ordonnance a pour objectif de faciliter et de rendre plus sûrs les échanges entre acteurs économiques. Elle permet d’éviter un recours contentieux systématique. Elle introduit des dispositions légales sur le processus du contrat ainsi que sur la forme du contrat. Pour améliorer l’attractivité du droit français, l’ordonnance tend à renforcer la sécurité juridique du droit des obligations et abandonne la notion de cause. Tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, l’ordonnance pose le principe selon lequel une copie réalisée sur support électronique a la même force probante que l’original. La réforme consacre la notion de bonne foi à tous les stades de la vie du contrat. L’ordonnance crée, dans le code civil, un titre dédié au droit de la preuve des obligations. Le nouveau droit des contrats entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2016.
3 – Les mesures d'urgence
La loi du 20 novembre 2015 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions
La loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence prévoyait que la prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne pouvait être autorisée que par la loi. Le nouveau texte prévoit que l’état d’urgence déclaré à compter du 14 novembre 2015 est prolongé pour trois mois à compter du 26 novembre 2015. Il permet au ministre de l'Intérieur et aux préfets d’ordonner des perquisitions de jour comme de nuit pendant cette période.
Le texte modifie le régime des assignations à résidence. Il est possible de dissoudre les associations ou groupements de faits qui participent, facilitent ou incitent à commettre des actes portant une atteinte grave à l’ordre public et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence. La loi précise le régime des perquisitions.
La loi 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence
Le Parlement a adopté le 16 février 2016 la prolongation jusqu’au 26 mai 2016 de l’état d’urgence. Le ministre de l’intérieur avait défendu le bilan de l’état d’urgence et sa prolongation en rappelant le « péril imminent » qui a justifié la proclamation de l’état d’urgence après les attentats et qui « n’a pas disparu ». D’après lui, les perquisitions administratives « ont une finalité préventive et de renseignement. Les éléments collectés peuvent alimenter des dossiers de renseignement qui donneront lieu, le cas échéant, à judiciarisation plusieurs semaines ou plusieurs mois plus tard ». L’état d’urgence déclaré à compter du 14 novembre 2015 avait été prolongé à compter du 26 novembre 2015 pour une durée de trois mois par la loi du 20 novembre 2015. Cette loi prévoit une nouvelle prorogation pour une période de trois mois, soit jusqu’au 26 mai 2016.